David Rolley livre son analyse du contexte macroéconomique et précise les opportunités qu’il entrevoit sur les marchés à revenu fixe mondiaux. 

Transcription de la vidéo

David Rolley : 
Parmi toutes les opportunités à l’échelle mondiale, les obligations d’État des marchés émergents en monnaie locale suscitent particulièrement notre intérêt.

Nous avons effectué plusieurs ajustements. Sur le marché des bons du Trésor américain, nous avons eu tendance à revendre lors de la hausse des taux d’intérêt, car nous approchions de 4 %. Nous avons donc diminué notre sensibilité à la variation des taux américains. Sur les autres marchés, nous avons effectué également des ajustements. La situation politique en France nous a sérieusement inquiétés et nous avons diminué la pondération du pays en début d’année. Je pense qu’ils viennent encore de perdre un premier ministre. Le problème en France, c’est le recours fréquent à toutes sortes de manifestations et je pense que la situation va devenir très difficile, ce qui inquiétera grandement les investisseurs.

Ajoutons que nous avons augmenté notre sensibilité à la variation des taux ailleurs, au Japon, où la rémunération du bon du Trésor à 30 ans a dépassé la barre des 3 %. Un nouveau premier ministre est entré en fonction. Nous avons profité de taux de rendement de plus de 3 % pour investir en obligations du gouvernement du Japon à 30 ans, une première d’après moi.

Parmi les opportunités que nous convoitons particulièrement, citons les obligations d’État des marchés émergents en monnaie locale. Non seulement elles offrent un avantage sur le plan du taux de rendement, mais elles permettent d’exploiter le changement dans les relations commerciales à l’échelle mondiale. La Chine et, dans une moindre mesure, d’autres pays exportateurs de l’Asie ont eu à trouver de nouveaux débouchés ailleurs qu’aux États-Unis, dans bien des cas sur des marchés émergents. En réalité, ils exportent la désinflation à ces pays, améliorant au passage les perspectives concernant les indices de prix. À cet égard, on peut miser sur des baisses de taux directeurs et sur un aplanissement de la courbe. Toute sensibilité à la variation des taux sur ces marchés devrait porter fruit.

Si l’on se fie aux années 70, nous avons commencé la décennie avec une devise surévaluée. Les règles ont changé et nous avons eu de la difficulté à financer nos déficits, puis un choc de l’offre est survenu. En d’autres termes, tout s’est enchaîné au plus mal. Lorsqu’on pense à l’inflation, il faut en distinguer deux formes. Il y a d’un côté ce que j’appellerai l’inflation budgétaire, lorsqu’un gouvernement imprime littéralement de l’argent pour payer ses factures. Je pense à l’Argentine, pendant 100 ans, ou au Venezuela. Nous n’en sommes pas là, ni dans l’OCDE, ni même aux États-Unis. Cette forme d’inflation ne nous concerne donc pas pour l’instant.

L’autre forme provient d’un choc de l’offre. Pensons à l’inflation survenue durant la pandémie. C’était bien un choc de l’offre, aggravé par des mesures de soutien excessives. Pour revenir aux années 70, c’est le pétrole qui a contribué à ce choc. Tout n’a pas été causé par un dollar faible ou par un recours excessif à la planche à billets. il y a aussi eu les chocs pétroliers. Actuellement, le marché mondial du pétrole paraît relativement stable, tout comme celui des céréales. Le seul marché dans lequel nous entrevoyons réellement des pressions inflationnistes concerne l’électricité, à cause de la demande des hyperserveurs informatiques.

Je suis un adepte des théories de Charles Kindleberger sur la domination par une devise de réserve hégémonique. En l’occurrence, c’est la fin définitive ou temporaire d’une puissance mondiale. En tout état de cause, les règles qui étaient en place depuis 1945 changeront, bousculant la totalité de l’expérience des investisseurs. Nous nous trouvons probablement à la veille d’un nouveau contrat social, commercial, monétaire ou financier. Celui-ci n’est pas encore finalisé et son processus d’établissement se dévoile d’une certaine manière en ce moment. C’est une situation particulièrement incertaine.